Après s’être élancé du premier étage de la Tour Eiffel, Taïg Khris a décidé de faire le grand saut de l’entrepreneuriat. Le triple champion du monde de rollers et vainqueur des X Games a créé sa startup OnOff Telecom en 2014. Il y a quelques mois, j’ai eu le plaisir d’assister à l’une de ses conférences, et le moins que l’on puisse dire c’est que l’entrepreneur est convaincant et l’idée séduisante.
L’idée: «Le cloud number»
Taïg Khris raconte avec humour, qu’il a eu tout le loisir de réfléchir à son concept pendant les longues semaines de convalescence qui ont suivi ses multiples fractures et blessures. Sa carrière sportive étant terminée, il recherche une idée qui lui permette de rebondir en mêlant nouvelle technologie, nouveaux usages et secteur à réinventer. Ce sera les télécoms avec l’idée de départ de proposer un numéro de téléphone hébergé dans le cloud et sans carte SIM: «le cloud number».
Avec une application qui permettrait de jongler facilement entre plusieurs numéros pros ou persos dans le cloud, de passer des appels au tarif local quel que soit le pays où l’on se trouve, le tout en s’appuyant sur les réseaux télécoms classiques, on pourrait offrir une expérience utilisateur nouvelle. C’est avec cet objectif que Taïg Khris débute son parcours d’entrepreneur.
L’entrepreneur dans les télécoms a besoin d’argent.
Le problème c’est que Taïg Khris ne connaît rien au monde des télécoms et que lancer une startup technologique requiert des fonds, beaucoup de fonds… Au début, il embauche un expert télécom à 1500€ la journée afin de valider la faisabilité du concept. Peu de temps après, il créé la société OnOff Telecom. Mais ce dont il a surtout besoin, c’est d’un million d’euros pour constituer une équipe d’ingénieurs et lancer une version Beta. Il en discute avec son entourage proche et son premier investisseur sera… son chirurgien, preuve que passer régulièrement sur la table d’opérations, çà crée des liens.
150 investisseurs privés pour démarrer
Il décide alors de céder 20% de sa société à une trentaine d’amis convaincus, puis déménage en Estonie avec son million d’euros en poche. Pendant un an, il travaille avec son équipe d’ingénieurs mais la qualité de la Beta réalisée n’est pas encore suffisante pour un lancement. De toute évidence, il doit trouver de nouveaux investisseurs privés pour poursuivre les développements. Grâce à ses talents de persuasion, il parvient à réunir 4M€ supplémentaires et réussit à lancer la Beta d’OnOff. Cette dernière décroche même une seconde place dans une compétition internationale de startups. Reboosté par ce succès, Taïg Khris déménage à New-York pour tenter de conquérir le marché américain. Malheureusement, il se heurte au poids des opérateurs télécoms US et doit finalement se résoudre à rentrer en France. A ce moment-là, il ne lui reste plus qu’un mois de cash en banque.
Et c’est encore une rencontre qui va le relancer. Alors qu’il effectue un voyage en avion, il explique son concept à un entrepreneur assis à ses côtés. Il parvient à le convaincre d’investir 300 000 euros dans sa startup. En s’appuyant sur sa technologie, ses brevets et l’expérience des années passées, il décide cette fois d’approcher les fonds d’investissement. En mai dernier, il décroche un ticket à 10 millions d’euros et dispose enfin d’une enveloppe suffisante pour étendre son offre, investir en R&D et accélérer sur l’acquisition clients. Au total, il aura fallu environ 150 business angels privés et 4 ans de travail avant de séduire cinq fonds d’investissement.
Les innovations proposées par OnOff Télécom
Si le parcours de l’entrepreneur est inspirant de persévérance, l’offre proposée actuellement par la startup OnOff Telecom pourrait bien permettre àTaïg Khris de gagner son pari et disrupter le marché des télécoms.Voici les innovations qui me semblent les plus prometteuses:
La portabilité virtuelle. Vous pouvez transférer le numéro lié à votre carte SIM dans le cloud de l’application OnOff. Ensuite, il est facile de quitter votre opérateur puis d’utiliser ce numéro depuis n’importe quel smartphone ou depuis le web grâce à l’application.
La gestion de plusieurs lignes téléphoniques avec un seul téléphone. Fini les multiples téléphones (pros et persos) ou cartes SIM à changer selon le numéro que vous souhaitez utiliser. Vous pouvez grouper toutes vos lignes dans l’application et sélectionner celle que vous voulez utiliser pour passer votre appel. Il est aussi possible de personnaliser vos messages répondeurs sur chaque ligne ou d’y attacher un répertoire spécifique. En réception, vous pouvez recevoir des appels émis vers n’importe laquelle de vos lignes directement sur votre carte SIM et sans passer par une connexion internet.
Téléphoner au tarif local, partout dans le monde. Il suffit d’installer un numéro OnOff correspondant au pays visité pour communiquer au tarif local, sans surtaxes liées au roaming.
Une flexibilité dansla gestion des SMS et des appels. Vous pouvez choisir dedésactiver la réception d’appels et rester joignable par SMS sivous ne souhaitez pas être dérangé lors d’une réunion par exemple. Il estégalement possible de programmer l’envoi de SMS.
A ces innovations, s’ajoutent d’autres fonctionnalités plus classiques pour un opérateur tels que des forfaits sur mesure, le contrôle des dépenses ou des appels vidéos. OnOff propose aussi une messagerie entre utilisateurs ayant l’application.
Actuellement, OnOffTelecom est opérateur dans vingt pays et l’application vient depasser la barre du milliard de SMS échangés. Par ailleurs, ilexiste désormais une solution web accessible depuis une tablette ouun ordinateur. Avec la dernière levée de fonds, d’autres évolutions du produit sont à venir.
Bien souvent, la guerre commerciale entre opérateurs se résume au meilleur prix selon le nombre d’options disponibles, la consommation de données ou le temps de communication. Même si à terme, il est probable que la startup de Taïg Khris soit rachetée par l’un des poids lourds du secteur, je pense que l’entrepreneur a toutes les cartes en main pour bousculer le monde des télécoms et remettre l’expérience utilisateur au cœur des préoccupations des opérateurs.